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VIE SYNDICALE
18.04.2017

15e Congrès de la Confédération Paysanne, à Muzillac les 12 et 13 avril

12.04.2017 - Muzillac.

Vote des rapports

L’urgence d'un revenu pour les paysans

Réunis durant deux jours dans le Morbihan, près de 400 paysan-ne-s ont approuvé à l'unanimité le rapport d'orientation : " Les raisons de la colère, l'urgence d'un revenu pour les paysan-ne-s". Ce texte propose non seulement la transition vers l'agriculture paysanne, mais également l'urgence de réinvestir le syndicalisme pour se doter d'outils législatifs garantissant des prix et donc un revenu pour les paysan-ne-s.

Les délégués​ ont également élu un nouveau Comité national qui se réunira le 10 mai afin de choisir le futur secrétariat national. Laurent Pinatel se représentera en tant que porte-parole.

Une conférence sur "Du local à l'Europe, quels enjeux agricoles sur les nouveaux lieux de décision" avec Aurélie Trouvé, universitaire, agroéconomiste,  livier Dulucq, universitaire, expert en questions territoriales et Laurent Pinatel, porte-parole.

Retrouvez le discours de clôture du porte-parole en bas de page.

Rapport d'orientation pour les 2 années à venir à télécharger en cliquant ici.

 

 

Discours de clôture du congrès par Laurent Pinatel, porte-parole

13 avril 2017

"Ce congrès en train de toucher à sa fin, il y a des personnes qui ont permis que nous soyons là aujourd'hui, je pense pour ma part à ma sœur notamment, qui s'est tapé tout le boulot pendant 3 jours. Si nous sommes ici c'est qu'il y a des gens chez nous qui assurent le quotidien, et c'est important de le rappeler.

Ce congrès était bon enfant, ce qui est très paradoxal, car cela contraste avec une période dramatique pour l'agriculture Française. Le taux de suicides en France pour les agriculteurs est supérieur de 20% à la moyenne nationale, ce qui est absolument effroyable et j'ai beaucoup aimé l'intervention de Solidarité Paysans hier à ce sujet. Ils font un boulot remarquable pour accompagner et sauver un maximum de gens. Cette agriculture qui se trouve aujourd'hui à un tournant, avec des gens qui se sont fait avaler par le système. Or ce qui est paradoxal, c'est que ces gens-là ont été les bons élèves, les plus performants dans la captation de revenus, qui sont allés le plus loin dans l'intensification de leurs petites surfaces des aides, et ces gens-là sont désormais montrés du doigt. On est dans situation économique extrêmement compliqué. Le drame c'est qu'on est en crise depuis deux ans et on trouve ça presque normal.

Malgré tout dans cette période, il y a aussi une agriculture qui se porte pas trop mal et notamment l'AB (agriculture biologique), des lignes de qualité et non soumis à la concurrence. Des gens qui se sont mises dans des niches, mais qui pourraient vite devenir trop étroites. Mais elles se sont prises en main, se sont tournées vers une production de qualité, elles ne sont pas en crise et il faut le noter.

Le fait d'avoir organisé ce congrès avant les présidentielle et les législatives répond à une volonté de voir un modèle agricole émerger indépendamment des programmes électoraux. La Conf' rappelle cependant qu'il faut aller voter, car c'est important et que la démocratie ne survivra que comme ça.

Par rapport à toutes ses élections (Présidentielles et législatives) il y a un grand danger qui court sur notre démocratie avec le FN. Le Front National a des pratiques qui sont complètement inadmissibles. Il tient un discours de racisme, de xénophobie, d'exclusion totale. Il faut absolument de toutes nos forces tenter de faire barrière au FN, et faire en sorte qu'il n'accède pas au pouvoir.

Par ailleurs, La FNSEA* s'est trouvée de façon dramatique sans personne à son gouvernail et aujourd'hui Christiane Lambert va prendre les rênes du premier syndicat agricole français. Il faut rappeler que pour nous ce n'est pas Xavier Beulin qui nous posait problème, mais bien le discours de la FNSEA* , car c'est notre adversaire que nous devons combattre, car elle met en avant le modèle d'une agriculture sans paysans, contrairement à nous.

Dans cette course à la compétitivité, Christiane Lambert dit "il faut être compétitif", et que 300 et 400 vaches c'est le modèle de demain. Il faut combattre ce discours, tout comme celui de la Coordination Rurale, qui s'insurge contre les charges sociale mais en appelle à la régulation de l'Etat dans la crise laitière, ce qui est assez paradoxal. Il faut dire aux paysans que ce n'est pas en les caressant dans le sens du poil qu'on va changer la situation et que l'on se sortira de cette situation de crise.

Il y a aussi les paysans et les paysannes. Sur ma ferme on s'en est sorti en prenant des chemins de traverse avec la transfo et le passage en bio. C'est satisfaisant pour nous, mais est-ce que ça l'est pour mon voisin en filière longue et qui ne s'en sort pas ?

On assiste à une dépolitisation globale, or la politique : c'est s'occuper de la cité et la cité agricole. Il va falloir faire comprendre aux gens qu'il y a besoin d'un cadre politique et d'une intervention forte de l'Etat pour pouvoir donner un avenir aux paysans, pour l'accès au foncier, pour la régulation des productions et tout un tas d'autres choses. Il faudra définir collectivement ce cadre politique

Dans ce paysage agricole global, il y a nous. La Conf' a trente ans cette année. C'est pas rien surtout lorsque l'on sait qu'à sa création on ne lui promettait pas 6 mois de vie. Eh bien ça fait maintenant trente ans, et c'est chouette d'avoir réussi dans le paysage politique de l'époque de sortir de cette chape de plomb où tout a été fait pour écraser la Conf'. Le débat hier sur le rapport d'orientation était très riche car s'était l'expression de l'ensemble de nos différences pour les additionner et en faire un projet encore meilleur non pas pour nous mais pour l'ensemble des paysans. Notre identité à la Confédération Paysanne c'est ça, c'est l'humain au cœur des débats, c'est de dire que l'agriculture que doit être l'expression des territoires à travers une production. Arrêter la spécialisation et l'ultra spécialisation des territoires la défense des paysans par l'accompagnement vers une transition agricole.

On s'est mis en dynamique depuis quelque temps. Comme Maxime Bergonso le disait hier, on est repartis vers des actions décentralisées. On est porteurs d'une attente politique, car la FNSEA* est en panne et propose les mêmes idées depuis 40 ans et les mêmes dirigeants qu'il y a 30 ans. Car il ne faut pas oublier que Christiane Lambert était déjà là il y a 30 ans. Nous sommes quand même très vivants, bien vivants, bons vivants même lorsque l'on voit comment s'est déroulé le congrès.

On est en lutte contre la disparition des paysans, contre l'exploitation des paysans, parce que c'est inacceptable. Ils sont exploités par l'industrie agroalimentaire qui ne s'est jamais aussi bien portée. La tentation de la dérive industrielle nous guette tous. On est aussi là pour défendre une idée de l'agriculture et pour défendre les paysans au quotidien et notamment dans la crise de la grippe aviaire. Sur ce sujet, on sait que la Confédération Paysanne a fait un travail remarquable avec des mobilisations de partout et on a réussi à influencer le curseur du gouvernement. Un gros travail a aussi été fait sur le dossier tuberculose, avec Dennis Perrot en Côte d'Or ou encore sur les zones défavorisées simples (ZDS), où les actions ont réussi à faire reculer le gouvernement sur cette question. Sans oublier le dossier qui concerne la banderole qui se trouve au-dessus de nous « Où est passé l'argent de la PAC* ? ». Il existe un problème majeur sur le paiement des aides qui sont dues. L'argent n'est pas arrivé et ce n'est pas aux paysans d'en payer les conséquences.

On peut aussi citer les dossiers concernant les fonciers locaux, notamment avec le dossier de l'A45 dans le Rhône, ou bien encore le dossier emblématique de Notre –Dame-des-Landes, qui devrait selon toute vraisemblance être abandonné après la présidentielle, parce que ne vois pas un candidat qui prône un aéroport de plus en France pourrait être élu ici. Il faudra aussi se battre pour savoir ce que vont devenir les terrains de Notre-Dame-des-Landes parce qu'il y aura urgence à privilégier l'installation plutôt que d'énièmes agrandissements.

On se bat aussi pour une agriculture paysanne car elle protège les territoires, elle donne de la vie aux territoires. La commune est devenue désuète mais que devient la ruralité ? Pourquoi les territoires ruraux se jettent dans la gueule du FN ? Parce qu'on les abandonne ! On se bat pour changer la vie et le quotidien des paysans. Ça peut paraitre déraisonnable comme objectif à notre époque… Charge à nous de continuer à construire ce projet d'agriculture paysanne, de construire tout ce projet de politiques publiques qui va amener la majorité des paysans à un autre revenu et un autre quotidien.

Il faudra que l'on pèse surtout, même à l'International. Aurélie Trouvé le rappelait tout à l'heure, on devra peser sur le CETA, sur le TAFTA, sur les accords de partenariat avec l'Afrique de l'ouest. Il n'y a rien de plus délirant que d'entendre les gens de la Fédération Nationale Bovine dire qu'ils sont contre le TAFTA et le CETA mais par contre être bien content de refourguer sa viande aux africains.

Maintenant abordons le cas de l'Union Européenne. Elle a 60 ans et elle commence à se faire vieille et il va falloir peser de tout notre poids pour qu'on ait des politiques publiques différentes et le retour de la régulation. Il n'existe pas de politique plus importante que l'alimentation et il faudra mettre tout en œuvre pour avoir des paysans nombreux, pour faire une alimentation de qualité accessible à tous.

Au niveau français, j'insisterais sur la loi cadre pour le droit au revenu. Parce qu'il est inadmissible que des paysans gagnent moins de 350 euros par mois. Il faudra que l'on se batte pour avoir dans les contrats des revenus assurés par les prix.

Idem dans les régions ou avec les EPCI pour avoir accès au foncier, des zones agricoles protégées dans lesquelles ou encore investir les SCOT, dans les périphéries des villes

Après il y'a le constat de la Confédération Paysanne sur le système global : beaucoup de paysans qui disparaissent, mais aussi beaucoup qui s'installent, dans des systèmes alternatifs. On constate l'apparition de métiers tels que paysans boulangers, qui n'existaient pas il y a 10 ou 15 ans. Comme quoi l'utopie de l'époque est devenue une réalité. Il y a aussi pleins de gens qui s'installent sur des petites structures, tandis que de grosses structures qui disparaissent. Des fermes de 150 hectares ont ainsi été avalées par des fermes de 300 hectares. Les fermes sont devenues tellement grosses, notamment dans les filières céréalières et viandes bovines qu'elles sont intransmissibles et ça n'est pas acceptable non plus.

On est en route vers une dynamique en direction des élections professionnelles car c'est quand même ce qui rythme la vie de notre syndicat. En 2013 avec Marie Noëlle Orain et Judith Carmona on a rencontré François Hollande, il était sous le charme de notre projet de PAC* mais trouvait qu'il était fâcheux qu'on ne fasse « que » 20 %…

Alors il va falloir faire en sorte de faire plus de 20% aux prochaines élections parce que la FNSEA* va faire moins de 50%. A l'heure actuelle, la FNSEA* est une coquille vide désertée par les éleveurs qui vont être tentés par les sirènes de la Coordination Rurale. Il va falloir proposer de nouveaux horizons

Je suis très serein parce que les mesures que l'on propose, les économistes en font la mise en lumière plus que nous et le projet économique est central dans toute politique. On représente vraiment l'alternative, les horizons vers lesquelles il faut guider l'agriculture. Nous devons aller chercher les gars coincés dans des systèmes un peu trop intensifs, et qui sont la tête dans le guidon. Il faut les sortir de ces systèmes. On a beaucoup à gagner des 2 prochaines années et je pense que l'on va gagner des points aux prochaines élections chambres parce qu'on n'a pas le choix pour les paysans

Il faut que le prochain gouvernement écoute la conf' un peu plus et mette en place une transition politique différente.

Je conclurais en citant Victor Hugo :

« Il faut pour la marche en avant du genre humain qu'il y'ait sur les sommets en permanence, de fières leçons de courage. Les témérités éblouissent l'histoire et sont une des grandes clartés de l'homme. L'aurore ose quand elle se lève. Tenter, braver, persister, persévérer, s'être fidèle à soi-même, prendre corps à corps le destin, étonner la catastrophe par le peu de peur qu'elle nous fait, tantôt affronter la puissance injuste, tantôt insulter la victoire ivre, tenir bon, tenir tête ; voilà l'exemple dont les peuples ont besoin, et la lumière qui les électrise. »"


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