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NDDL
19.04.2018

Un immense gâchis doublé d'un vrai fiasco

19.04.2018 -
Quelques jours après l'opération policière ayant tenté d'expulser les zadistes de Notre-Dame-des-Landes (du 9 au 13 avril), quatre et cinq jours après les manifestations en soutien à la Zad, à Nantes le 14 avril, et sur la Zad elle-même, le 16 avril, Dominique Deniaud, porte-parole de la Confédération paysanne de Loire-Atlantique, faisait le point devant l'assemblée générale nationale de la Confédération paysanne.

Point sur la situation

« Le 17 janvier, avec l'annonce de l'abandon du projet d'aéroport par le Premier ministre, nous avons connu une belle victoire et j'espérais venir ce 18 avril à l'assemblée générale nationale de la Confédération paysanne pour fêter ça. Mais depuis le 9 avril et les jours qui ont suivi, avec l'opération policière tentant d'expulser les habitants de la Zad, nous avons vécu la pire situation, comme si nous avions perdu sur ce dossier quelques semaines plus tôt.
Où en sommes-nous après ces manœuvres policières ? A la veille du début de celles-ci, environ 200 personnes vivaient sur la Zad de Notre-Dame-des-Landes, une population stabilisée dans une ambiance apaisée. Aujourd'hui, on estime entre 700 à 1000 les habitants sur la Zad, avec quelques centaines de militants venus en renfort pour la défendre et une centaine de personnes venues surtout pour en découdre avec la police.
A la veille du 9 avril, la route départementale D281, dite « route des chicanes », était quasi réouverte à la circulation. Aujourd'hui elle est totalement bloquée et une autre route l'est aussi.
A la veille de l'opération policière, on estimait que plus de 90 % des parcelles agricoles étaient accessibles aux paysans. Aujourd'hui, ce taux est tombé à 50 %. Des bâtiments sont détruits, des sols sont gravement pollués par les produits contenus dans les grenades employées.
On avait réussi à reprendre le dialogue et à convenir d'un rendez-vous avec les anciens agriculteurs de la zone qui avaient étaient indemnisés mais avec lesquels nous étions en conflit sur l'avenir des terres. Le rendez-vous a été annulé après le 9 avril.
Nous étions en discussion avec la préfecture, des démarches étaient en cours, des conventions d'occupation précaire étaient en projet... Les discussions ont été brutalement rompues du fait dez l'intervention des forces de l'ordre et nombre d'habitants de la Zad se demandent bien comment ils pourront à nouveau discuter avec les pouvoirs publics après ça...
En plus de ça, ce nouvel épisode de violence exaspère les populations et les paysans des communes alentour. Ils en ont vraiment marre de « Notre-Dame-des-Landes »... »

Analyse

« Cette opération policière est un immense gâchis doublé d'un vrai fiasco, terme qu'a d'ailleurs employé Ouest-France dans un de ces articles d'analyse. En engageant cette opération, l'Etat a pris un très grand risque. Sur le terrain, on sentait que la préfète prenait la mesure de la situation mais le centre de décision était ailleurs, à Paris, au ministère de l'Intérieur, à Matignon et à l'Élysée.
Par la violence, le gouvernement nous a signifié que nos propositions, qui étaient en train de s'affiner et de se construire sur la Zad, n'étaient pas les bonnes. Elles n'étaient peut-être pas assez médiatiques non plus. Pourtant, entre le 17 janvier et le 9 avril, nous avions réussi à intégrer dans les réflexions et discussions sur la Zad la notion de légalité (payer un fermage, payer l'eau et l'électricité...), à exprimer et à construire des projets dans une démarche globale, respectueuses de tous les projets dans leur variété (de vie, agricoles, artisanaux, culturels...) et à ce qu'une délégation représentative de la Zad discute avec la préfecture.
Les annonces d'expulsion possible quelques jours avant ont ralenti et entraver le processus. L'opération policière à partir du 9 avril l'a stoppé.
La destruction du site des 100 noms, dès le premier jour de cette opération, a déclenché un véritable tollé, le début du fiasco pour le gouvernement. Ce lieu symbolique était à préserver, il portait un vrai projet agricole dans la démarche partagée des acteurs de la Zad, avec des jeunes dans une dynamique de discussion et de construction. On a sous-estimé notre capacité à les empêcher de tout détruire...
Le pouvoir s'est bloqué par idéologie. Il nous parle de modernité mais il est incapable de comprendre sa jeunesse, les projets innovants qu'elle porte. Sur la Zad, il y a une vraie attente d'expression collective des projets, mais l'État ne veut pas de ça. Nous pouvons contourner l'obstacle, par exemple en établissant des listes de noms d'actrices et d'acteurs sur tous les projets, ce qui pourrait permettre d'aller ensuite plus loin dans la démarche collective.
De toute façon, aucun projet – hors le retour à une vie normale des fermes ayant refusé de partir et ayant poursuivi leur activité sur la Zad – ne pourra se concrétiser tant que la propriété des terres et des bâtiments n'aura pas été clarifiée. L'État est aujourd'hui propriétaire de ces terres. Qu'en sera-t-il demain ? L'Etat dit vouloir s'en débarrasser. Le conseil départemental de Loire-Atlantique - qui avait acheté des parcelles au fur et à mesure entre 1973 et 2003 pour parvenir à en posséder plus de 900 hectares (1) avant de les céder à l'État - prétend par la voix de son président vouloir les récupérer et ne plus les céder. Qu'en fera-t-il s'il y parvient ? Les mettra-t-il à disposition des projets, agricoles et autres, des actuels zadistes ? »

Priorités

« La première priorité est de gérer la question de la violence. La destruction des cabanes, puis celle de la charpente symboliquement construite et déposée lors de la manifestation de soutien à la Zad, le dimanche 15 avril, attise cette violence, comme la présence toujours sur place de très nombreux gendarmes. Nous tenons vis-à-vis des pouvoirs publics des positions différentes. Quand la préfecture dit « on ne veut pas de cabane ! », la Confédération paysanne de Loire-Atlantique répond « on ne veut pas de mort !»,
Il faut ensuite parvenir à réengager les habitants de la Zad, notamment les porteurs de projets, dans la discussion et leur propre prise en charge. On va pouvoir soutenir ceux qui veulent démarrer des choses, même s'il faut passer par certaines étapes. Ce n'est pas parce qu'on signe aujourd'hui des documents avec des noms sur des listes qu'on perd la capacité à négocier et à construire des projets collectifs dans la démarche portée depuis des mois par la Zad.
Il faut aussi, et on y tient, à ce que les routes soient toutes ouvertes à la libre circulation. La population locales, celles des villages alentours, y est sensible. »


Propos recueillis par Benoît Ducasse

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