L'agriculture paysanne à l'honneur de l'AG de la COnf'36 !

Difficile de prendre la parole après Valentin, que je remercie au nom de la Conf' de l'Indre pour son exposé très complet et pertinent.
Nous venons d'évoquer tous les bénéfices de l'agriculture paysanne, ce qu'elle apporte aux paysans, à la société, et à la biodiversité, et on a beau le savoir, on a beau la mettre en application au quotidien sur nos fermes, on a beau connaître tous ces enjeux, ça fait toujours du bien de reposer les choses, de se rappeler pourquoi on travaille comme on le fait, et pourquoi on milite pour développer ces pratiques vertueuses.
En parlant de militer, revenons rapidement sur la crise qui a secoué l'agriculture ces derniers mois. L'analyse que l'on fait de ce mouvement à la Conf', c'est que c'est avant tout le manque de revenu qui a poussé les tracteurs sur les autoroutes, au début, avant que la Fédé ne nous explique que tous les problèmes des agriculteurs viennent des normes, de l'Europe et de l'OFB !
Ce manque de revenu, qui par ailleurs ne serait accepté dans aucun autre corps de métier, est à la base de la majeure partie des problèmes que l'on rencontre dans notre profession.
Tous les problèmes soulevés sur les ronds-points par nos collègues peuvent être revus par ce prisme du revenu, car si la santé économique des fermes était au beau fixe, on observerait beaucoup moins de difficultés à accepter les grands changements auquel nous sommes confrontés.
Bien rémunérés et accompagnés, les paysans seraient plus motivés pour se lancer à fond dans la transition écologique ;
La misère sociale reculerait ainsi que le nombre de suicides ;
Les terres seraient préservées car personne ne se sentirait obligé de devenir énergéticien par besoin de « complément de revenu » ;
Le grand chantier du renouvellement des générations, bien qu'ardu, serait facilité ;
L'embauche sur les fermes seraient plus importante, créant ainsi de l'emploi, des vocations et permettant aux paysannes et aux paysans de prendre du repos ;
L'agriculture paysanne pourrait enfin être mise en avant de manière généralisée face à l'agriculture productiviste ;
Aujourd'hui, les produits agricoles créent bien de la valeur ajoutée, on le voit clairement sur les étiquettes de prix au supermarché. Le problème est que cette valeur est très mal partagée entre nous, paysannes et paysans qui créont ce produit, et les industriels et les distributeurs qui se chargent de le transformer et de le vendre. Là ou les grandes entreprises de l'agroalimentaire et de la grande distribution enregistrent des résultats record, nous en sommes rendus à parfois devoir accepter de vendre notre production à perte, par besoin de trésorerie ou pour écouler nos stocks. C'est tout simplement inacceptable !
Une des propositions phares portées par la Conf' nationale depuis bien longtemps a été mise en lumière récemment par notre président lui-même, à l'issue d'une rencontre avec les syndicats lors du Salon de l'Agriculture : les prix planchers. Détaillons un peu comment cela pourrait se mettre en place :
Le principal objectif de cette proposition est simple : permettre à toutes les paysannes et à tous les paysans de vivre dignement de leur métier. C'est une simple mesure de justice sociale, qui nous permettrait de sortir de la compétition internationale. Ce prix garanti doit comprendre trois éléments : le coût de production, la rémunération du travail paysan ainsi que sa protection sociale.
On entend depuis quelques jours que ces idées sont utopiques, soviétiques, en somme irréalistes.
C'est tout à fait faux. En effet, il est techniquement possible d'appliquer des prix garantis en agriculture. Ça a d'ailleurs été le cas pendant les trente premières années de la PAC*, jusqu'en 1992 et jusqu'à ce que l'OMC* vienne déréguler le secteur.
Aujourd'hui, les leviers législatifs existent en France pour respecter le revenu paysan, notamment dans le code du commerce. Et au niveau européen, on voit fleurir des initiatives intéressantes, comme en Espagne avec la loi sur les chaînes alimentaires. Il faut maintenant que les institutions européennes changent de cap !
Cependant, pour éviter que l'instauration de prix planchers ne conduise à une surproduction, il faut obligatoirement les assortir d'outils de régulation du marché. Par exemple des tunnels de prix, des quotas et des quantums, du stockage public, etc.
En effet, si on ne met de pas de garde-fous, ces prix planchers qui peuvent être une vraie avancée pour nous pourraient s'avérer dramatiques pour les pays qui se verraient envahis de nos surplus, comme cela a été le cas pendant longtemps.
A l'inverse, tout cela ne peut fonctionner que si l'on met en place des protections économiques contre les importations déloyales ! Il faut mettre un coup d'arrêt à tous les accords de libre-échange, et mettre en place des prix minimum d'entrée sur le territoire national, ainsi qu'un renforcement des contrôles sur la qualité des produits que l'on importe.
Enfin, pour que cette meilleure rémunération des paysans ne se fasse pas sur le dos des consommateurs, il faut mettre en place des outils pour permettre un meilleur partage de la valeur : un encadrement des marges de l'agroindustrie et de la grande distribution, mise en place de clauses de répartition de la valeur, interdiction des surmarges sur les produits labellisés, etc.
Un autre chantier d'ampleur est porté par la Confédération Paysanne : la Sécurité Sociale de l'Alimentation, pour lutter à la fois contre la précarité paysanne et la précarité alimentaire, tout en affirmant le droit à une alimentation de qualité pour toutes et tous.
On le voit, c'est un chantier d'ampleur qui nous attend, et le fait qu'Emmanuel Macron ait parlé de prix planchers ne signifie pas, loin de là, que tous ces dispositifs vont être mis en place rapidement. On ne connaît que trop les orientations de ce gouvernement et son idéologie ultra libérale, mais il faut saisir cette opportunité, se saisir de cette chance de porter haut et fort notre voix, pour changer ce système économique inéquitable et ce système agricole dans l'impasse.
Au niveau local, nous travaillons avec la préfecture et la DDT à essayer de faire bouger les choses, et au niveaux régional et national, les paysans et paysannes de la Conf' sont sur tous les fronts, déterminés à faire aboutir nos revendications !
On nous vend le tryptique « génétique – robotique - numérique ». Préférons plutôt celui-ci : « revenu – régulation - répartition ». Ce trio gagnant nous permettra d'assurer le renouvellement des générations, pour conserver des paysannes et des paysans nombreux, et heureux, dans des campagnes vivantes !"
Revue de presse :
- France Bleu Berry : Trois questions à Valentin Beauval - 12/03/2024 : https://www.francebleu.fr/emissions/trois-questions-a