Retour sur l'AG de la Conf' nationale

J1: Redéfinir la protection sociale que nous voulons!
Les statuts, les cotisations, les retraites, les prestations, les calculs, la conditionnalité, les travailleuses et travailleurs détachés, les cotisant·e·s solidaires, des questions, des avis, et à la fin un premier paquet de revendications qui seront bientôt retravaillées par les commissions de la Confédération paysanne : les délégués départementaux ont travaillé dur sur la protection sociale agricole lors de la première journée de l'assemblée générale du syndicat, à Montreuil le 20 avril.
Après 4 ateliers thématiques consécutifs, la réflexion s'est enrichie de l'intervention de Patrick Bougeard, président de Solidarité Paysans, puis ce celles des participants à une table ronde (Pascal Cormery, président de la Mutualité sociale agricole, Verveine Angéli, secrétaire nationale de l'Union syndicale Solidaires, Henri Sterdyniak, économiste à l'Observatoire français des conjonctures économiques, et Patrick Baron, responsable de la commission sociale de la Confédération paysanne), avant le discours de clôture du porte-parole national, Laurent Pinatel.
Un grand chantier s'ouvre donc pour le syndicat avec cette première journée de travail.
Conclusion de la journée par le porte-parole, Laurent Pinatel:
"Nous arrivons au terme de cette Assemblée générale consacrée à la protection sociale. Je tiens tout d'abord à remercier le pôle social et son animateur pour tout le travail qu'ils ont fourni.
Nous avons donc choisi de réfléchir, de porter un regard sur l'agriculture mais aussi un regard global. L'agriculture est en crise, encore une fois. Et, face à la crise, c'est toujours la même réponse, classique : il faut baisser les « charges » sociales, mécaniser, s'endetter pour pouvoir rester paysan. Etre Paysan, c'est choisir son métier, vivre de ce métier qu'on a choisi, et dont on doit tirer un revenu. C'est essentiel et il faut continuer à le revendiquer.
Vivre de son métier c'est aussi pouvoir faire face aux aléas de la vie. Les moments difficiles : La maladie, les accidents, l'invalidité, mais aussi les moments plus légers, plus positifs : les grossesses, la retraite… Il faut pouvoir prévoir l'avenir. Ma grand-mère disait « il faut mettre de l'argent de côté » et, en France, on a choisi de le faire de façon collective. On a choisi de cotiser pour être protégé, pour se protéger. Il faut se battre pour garder cette spécificité !
La société est organisée autour des paysans, de l'alimentation. On a besoin de paysans.
Besoin de paysans pour aménager les territoires. Comme l'a dit Pascal Cormery, le président de la MSA*, tout à l'heure : « la concentration n'est pas synonyme d'efficacité », et ça n'est certainement pas Xavier Beulin qui le lui a soufflé…
Besoin de paysans pour produire une alimentation en quantité et qualité suffisante, pour créer de l'emploi car nous exerçons une activité économique !
Nous avons besoin de paysannes et de paysans, et les paysannes et paysans ont besoin d'un statut !
Dans le dossier de Campagnes solidaires consacré à la protection sociale Michèle Roux disait « redéfinir la protection sociale que nous voulons » Redéfinir la protection sociale que nous voulons…
« Protection » et « sociale » dans la même phrase. Il fallait oser employer ces deux mots (ces deux « gros » mots)… et pourtant, c'est important de le réaffirmer ! Nous visons dans un monde agressif, un univers violent. Les paysans sont agressés. Ils ont perdu les prix et leur charge de travail augmente. Le stress au travail augmente, la pression psychologique, comme vient de nous l'expliquer Patrick Bourgeard de Solidarité paysans. Face à cela, quelles réponses ?
On diminue les « charges », on aménage la fiscalité. On a mis en place le suramortissement Macron pour que les paysans investissent plus, s'endettent plus, soient encore plus stressés. On a réussi à faire rentrer ça dans la tête des paysans ! C'est pourtant délirant d'abimer notre protection sociale alors qu'on est agressés et en période de crise ! La logique serait au contraire de se protéger…
Pourtant, pourtant. Beaucoup de nos collègues s'en félicitent : c'est une demande de la FNSEA*, applaudie par la Coordination rurale et acceptée par le gouvernement Valls. Nous, Confédération paysanne trouvons ça fou et délirant cette situation, cette fuite en avant ! A la Conf', nous défendons des valeurs : le collectif, la solidarité, le mutualisme, ce pot commun auquel on participe tous pour répartir et contribuer à passer les caps. Mais pour pouvoir cotiser, il faut un revenu, nous devons exiger un revenu ! Nous devons pouvoir cotiser pour être protégé !
Tout est lié ! Si on accepte la diminution des cotisations, on accepte la diminution des prix et pour compenser la diminution des prix on nous proposera une baisse des cotisations… On accepte la financiarisation de l'agriculture puisqu'on fait des fermes que les jeunes ne pourront plus reprendre car les retraités auront besoin de financer leurs retraites. On accepte de faire travailler de la main d'œuvre détachée pour baisser ces « charges » !... La boucle est bouclée…
Face à cela, nous portons des revendications :
Un statut pour tous ! On peut se poser la question du maintien du statut de conjoint collaborateur par exemple…
Progressivité des cotisations. Pour que chacun cotise en fonction de ses revenus. Etpour ça il faudra remettre en cause les planchers et supprimer les plafonds de cotisation.
Conditionnalité sociale. On est quand même à un moment où on peut être sanctionné pour avoir coupé des haies mais pas pour avoir exploité de la main-d'œuvre ! Dans quel monde vivons-nous ? Il faut que nous imposions la conditionnalité sociale dans la PAC* !
Des droits pour tous. Les cotisants solidaires doivent pouvoir voter aux élections professionnelles.
Révision du mode de scrutin aux élections MSA* et amélioration de sa gouvernance.
Et puis, François Hollande l'avait promis, il doit mettre en place la conférence annuelle sur les retraites agricoles. On ne peut pas s'habituer et accepter un tel niveau de retraites. C'est inadmissible !
Et puis, on n'a pas eu le temps d'en parler aujourd'hui, mais il faut ouvrir un grand chantier sur la fiscalité agricole.
Bref… il y a du boulot ! Mais l'enjeu est large. Il est agricole bien sûr, mais la protection sociale c'est aussi un enjeu pour toute la société. Cette revendication de plus de droits sociaux rejoint la mobilisation contre la loi travail.
Alors, maintenant, ce chantier qu'on a ouvert aujourd'hui, il va falloir l'alimenter. Il vafalloir aller taper aux portes des ministères, de la MSA*, pour imposer notre vision. Celle-ci ne peut passer que par la reconquête des prix ! Et puis… il y a un autre moyen de pouvoir cotiser plus, c'est qu'il y ait plus de paysans ! Et ça, c'est un peu le projet de la Conf', c'est l'agriculture paysanne. Mais ça, on en reparlera demain…"
J2: AG Statutaire
Discours de clôture par le porte-parole, Laurent Pinatel:
La Confédération paysanne a tenu son assemblée générale les 20 et 21 avril à Montreuil.
C'est important de se retrouver, paysannes et paysans, de tous les territoires de France.
Important pour faire un bilan de l'année écoulée, important pour cette ambition de travailler sur la question sociale, de réaffirmer que nous devons être protégés, que les cotisations sociales doivent nous permettre d'envisager sereinement les aléas de la vie… Bons ou mauvais !
Bien sûr, la Confédération paysanne ambitionne de revisiter la protection sociale : nous revendiquons une évolution notable de ce système qu'il faudra bien adapter aux évolutions et réalité du moment… et nous le détaillons longuement dans ce numéro de Campagnes solidaires.
L'AG, c'est important pour analyser collectivement une situation qui peut sembler désespérée pour les paysannes et paysans tant les crises sont multiples, fréquentes, violentes… Durant deux jours, la Confédération paysanne a choisi de se projeter, de regarder devant, de dénoncer, de proposer et de Oui, notre projet politique est le seul à même d'assurer un avenir à des paysans nombreux…
Prétentieux ? Pas du tout, simplement réaliste !
En effet, que ce soit sur la crise de l'élevage, sur la bombe à retardement des pesticides, sur les surréalistes traités de libre-échange (TAFTA, CETA, Mercosur*…), sur les évolutions nécessaires dans la règlementation autour des abattoirs, sur l'Europe, la prédation la PAC* de 2020 (alors que celle de 2014 n'est toujours pas calée…), sur les petites fermes, sur cette Europe si mortifère, si violente pour nous, citoyens et citoyennes de cet espace de vie… Pour tous ces sujets, il va nous falloir continuer à argumenter, à proposer, à convaincre les paysannes et les paysans qu'ensemble nous pourrons changer le cap d'une agriculture française qui a perdu son sens, qui est aujourd'hui vidée de sa substantifique moelle…
Oui, il y a une crise d'identité de l'agriculture française.
Pour nous, c'est en abordant cette question sous le prisme des politiques agricoles et alimentaires que nous retrouverons un avenir… un avenir et une ambition partagée par l'ensemble de nos concitoyens
C'est l'un des grands chantiers que la Confédération paysanne a ouvert à Montreuil, co-construire d'autres politiques agricoles et alimentaires !
Nous voilà donc en route vers ces horizons à éclairer, à ouvrir et inventer pour faire en sorte que notre métier garde tout son sens : employer, préserver, nourrir… Il faut continuer à marteler nos revendications partout. Interpro, ministère, devant les DDT, dans la rue, dans les champs, dans les urnes des consultations citoyennes, sur les terrains des grands projets
inutiles et imposés, devant les citoyens, les paysans… inlassablement. Déterminés et debout...
Forcément debout !