SEMENCES DE FERME : LE CONTEXTE
Semences de ferme: un droit pour tous !
Le droit de ressemer librement le produit de sa récolte appartient aux droits collectifs des paysans et ne saurait s'effacer devant quelconque droit privé.
En effet, ce droit est indispensable à l'adaptation des cultures aux changements climatiques et à l'adaptation locale. Il est le garant du stock semencier et donc de la sécurité alimentaire.
La loi sur les semences de 2012 un scandale
Que dit la loi ?
-> le triplement de l'actuelle CVO* blé tendre (soit + de 10€/ha)
-> l'extension de la CVO* aux 21 espèces pour lesquelles les semences de ferme sont autorisées
-> le renforcement des contrôles sur l'interdiction des semences de ferme pour les autres espèces
-> l'extension des CVO* ou des interdictions de semences de ferme aux éleveurs qui cultivent pour nourrir leurs animaux ; en sachant que l'orge et les cultures fourragères sont visées en priorité après le blé.
Une loi scandaleuse
Un scandale économique pour les paysans
Une fois de plus, dans un contexte économique difficile, tous les paysans, éleveurs et céréaliers, devront payer une taxe supplémentaire (montant de la CVO* blé tendre multiplié par 3, extension de la CVO* à 21 espèces).
(CVO* = Contribution Volontaire Obligatoire)
Un scandale éthique
De quel droit les firmes semencières se réapproprient ad vitam eternam des ressources génétiques qui appartiennent à tout le monde ? Les variétés sont issues de centaines d'années de sélection empirique réalisée par les paysan-e-s : les firmes semencières n'ont jamais payé les paysans pour s'approprier ces gènes !
Un scandale démocratique
Comment nous, paysans, allons pouvoir contrôler l'utilisation de ces taxes par les firmes semencières ?
Allons-nous payer des firmes dont le but est de se faire de l'argent à court terme sur le dos des paysans?
Quelles conséquences pour les paysans?
Impact sur l'utilisation de semences fermières:
La loi votée par l'Assemblée nationale le 28 novembre 2011 concerne les semences de ferme de variétés protégées par un certificat d'obtention végétale (COV*). Les décrets prévus par la loi auront eux aussi, à l'avenir, un impact sur les conséquences de cette loi.
DÉCOURAGER LA PRATIQUE DES SEMENCES FERMIÈRES :
L'aspect le plus visible de la nouvelle loi vise à interdire aux agriculteurs de reproduire leurs semences, de la majorité des espèces cultivées, lorsqu'elles sont issues de variété protégées par un COV* français. Ainsi la production de semences de ferme de légumes, fleurs, soja, maïs, sainfoin, sarrasin, moutarde ... mais aussi de n'importe quel hybride F1 est interdite.
Pour 21 espèces (voir ci-dessous) il leur est autorisé d'utiliser leurs semences de ferme en contrepartie du paiement de royalties versées aux obtenteurs. A cet effet, la loi demande au gouvernement de définir par décret (c'est-à-dire hors de tout débat parlementaire) les conditions de paiement de ces royalties. Reste à savoir comment, car le système de la CVO*, qualifié de taxe parafiscale (interdites pour cet usage au niveau communautaire), est aujourd'hui remis en cause.
C'est pourquoi la loi oblige les agriculteurs à déclarer toute production de semences, qu'elle soit commerciale, fermière ou paysanne. Sous couvert de « traçabilité », la loi dispose qu'un décret devra fixer « les règles permettant d'assurer la traçabilité des produits depuis le producteur jusqu'au consommateur » et que les trieurs devront « garantir la traçabilité des produits issus de variétés faisant l'objet de certificat d'obtention végétale ».
Cette traçabilité des variétés impliquera-t-elle une obligation d'indication par l'agriculteur à l'administration, aux acheteurs de ses récoltes et aux trieurs à façon du nom des variétés qu'il a utilisées ? Les obtenteurs, qui jusqu'à maintenant n'avaient pas les moyens de prouver que leur variété se trouvaient dans le champ des paysans et de récupérer leurs royalties, vont-ils désormais pouvoir agir ? Les décrets à venir nous le diront.
Obligation de déclaration d'activités et de contrôle, une possible limitation des échanges de semences
Les activités de production de semences, qu'elles soient ou non destinées à la commercialisation devront faire l'objet de déclaration. Seuls les multiplicateurs sous contrat en sont exonérés. Ces déclarations pourront générer une obligation de mettre en place des procédures d'auto-contrôle sous la supervision des autorités, et des contrôles officiels. Les même types d'auto-contrôles furent imposés dans les années 1990 aux petits producteurs fermiers : en moins de dix ans, les trois quart d'entre eux ont du cesser leur activité à cause des règles industrielles inadaptées qui leur étaient imposées. De plus, les contrôleurs du Groupement National Interprofessionnel des Semences pourront profiter de ces obligations pour faire la chasse aux échanges de semences entre agriculteurs. Ces échanges sont aujourd'hui légaux quand ils sont destinés à la sélection ou à la conservation des ressources phytogénétiques. Le seront-ils encore demain ? Sans échanges de semences, il n'y aurait plus de sélection ni de conservation possible, qu'elles soient paysannes ou industrielles.
Des ressources génétiques privatisées :
L'État va pouvoir désormais réglementer par décret les modalités de conservation et les conditions d'enregistrement des ressources phytogénétiques appartenant à la « collection nationale » constituée de diverses collections publiques ou privées. Bien que les objectifs énoncés soient louables - intérêt général, utilisation durable, éviter la perte irréversible de ressources - seules les ressources phytogénétiques qualifiées de « patrimoniales », ou dignes d'un intérêt actuel ou potentiel, pour la recherche scientifique, l'innovation ou la sélection, seront éligibles. Les chercheurs et les sélectionneurs sont-ils les seuls à pouvoir déterminer aujourd'hui un intérêt potentiel pour demain ? Pourra-t-on encore conserver, cultiver et échanger les semences de ressources ne répondant pas aux critères des chercheurs et ne faisant pas partie de cette collection nationale ? Accorder explicitement aux semences paysannes le statut de ressources phytogénétiques conservées in situ aurait pu permettre : de reconnaître aux agriculteurs leur contribution à la conservation des ressources, leurs droits qui en découlent, de légitimer juridiquement leur production et leurs échanges et de contribuer à les protéger de la biopiraterie : mais le législateur n'a pas voulu franchir ce pas.
Le résultat d'une bataille de longue haleine, ou comment en est on arrivé là ?
Afin de répondre à une demande grandissante des obtenteurs qui ne voulaient pas protéger leurs variétés par des brevets, l'UPOV est née et a accouché d'une première Convention internationale UPOV en 1961.
L'intérêt revendiqué du COV* sur le brevet, c'est la possibilité pour tout obtenteur de pouvoir utiliser une variété protégée par un COV* pour en créer une nouvelle suffisamment distincte. C'est ce que l'on appelle « l'exception de l'obtenteur ». Cette exception s'applique aussi aux agriculteurs sous les termes de « privilège » de l'agriculteur. Cette première convention UPOV n'interdisait donc pas les semences de ferme.
En 1970, la loi française vient interdire le semences de fermes, mais les agriculteurs continuent à en faire car il est trop couteux pour les obtenteurs d'apporter la preuve que c'est leur variété qui est dans les champs des paysans.
En 1980, une tentative d'interdiction des trieurs à façon, a vu le jour. Mais elle est tombée aux oubliettes après de nombreuses révoltes et manifestations.
En 1991, l'arrivée des OGM (brevetés) sur le marché change la donne et la convention doit s'adapter aux nouvelles revendications sur des variétés protégées par un COV* et contenant un élément (gène, processus de sélection) breveté qui nécessite un droit de licence pour tout utilisation. L'UPOV 1991 s'harmonise au système du brevet. Dès son premier article, elle donne une nouvelle définition de la variété protégée qui introduit la caractérisation génétique ou moléculaire. La variété est désormais définie « par l'expression des caractères issus d'un génotype ou d'une certaine combinaison de génotypes ». La convention étend ensuite la protection du COV* à la variété essentiellement dérivée de la variété protégée : cette extension affaiblit l'exception de sélection en obligeant tout obtenteur n'apportant qu'une faible nouveauté, et spécialement le détenteur d'un brevet sur un transgène, à partager ses droits de licences avec le détenteur du COV* sur la variété. La convention peut ainsi faire de la semence de ferme dérivée d'une variété protégée par un COV* « une exception facultative » au droit de l'obtenteur, que les États peuvent s'ils le souhaitent autoriser de manière dérogatoire « sous réserve de la sauvegarde des intérêts légitimes de l'obtenteur ». Enfin, elle étend la protection du COV*, en cas de contrefaçon, à la récolte et au produit de la récolte.
En 1994, un règlement introduit dans le droit européen les dispositions de la convention de 1991. Désormais pour le COV* européen, les semences de ferme sont interdites sauf pour 21 espèces pour lesquelles il les autorise en contrepartie du paiement de royalties versées aux obtenteurs. Le règlement ne donne cependant pas d'outils techniques efficaces pour prouver d'éventuelles contrefaçons. La nouvelle loi française veut y apporter une solution règlementaire. Les progrès du marquage génétique ou moléculaire laissent espérer une solution définitive, notamment pour les variétés issues de sélection assistée par marqueurs.
Sans remettre en cause l'apport des semences industrielles depuis la IIe guerre mondiale, les semences fermières et paysannes sont aujourd'hui un complément indispensable pour sortir des impasses agronomiques, environnementales, économiques et alimentaires dans lesquelles nous enferment les systèmes agronomiques découlant de l'utilisation exclusive des semences industrielles. Pour cette raison, il faut abroger la nouvelle loi.
Liste des 21 espèces pour lesquelles la semence de ferme va être soumise au paiement de royalties
La règlementation européenne (règlement CE/2100/94) indique la possibilité de ressemer à partir de variétés sous PCOV seulement pour 21 espèces, et sous conditions réglementaires : quantité, rémunération de l'obtenteur:
pois chiche,lupin jaune,luzerne,pois fourrager,trèfle d'alexandrie,trèfle de perse,féverole,vesce commune,avoine,orge,riz, |
alpiste des canaries,seigle,triticale,blé,blé dur,épeautre,pommes de terre,colza,navette,lin oléagineux |